Bourrache et Consoude : Deux boraginacées à ne pas confondre
Elles partagent la même famille botanique, des feuilles velues, une floraison généreuse dans les jardins... et pourtant, la bourrache (Borago officinalis) et les consoudes (Symphytum officinale, S. x uplandicum, Symphytum caucasicum) sont deux plantes aux usages, aux saveurs et à la toxicité très différents. Encore trop souvent confondues, ces plantes de la famille des Boraginaceae méritent d’être mieux connues, tant pour leurs intérêts culinaires, médicinaux et agroécologiques que pour éviter certains mésusages.
Une même famille, deux silhouettes
La famille des Boraginacées regroupe des plantes herbacées reconnaissables à leurs feuilles souvent rêches, leurs tiges hispides et leur inflorescence en cyme scorpioïde (enroulée comme une queue de scorpion à l’état jeune). Parmi elles, la bourrache et la consoude se distinguent facilement... à condition de savoir les observer.
Caractéristique | Bourrache (Borago officinalis) | Consoude (Symphytum officinale, S. x uplandicum) |
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Port de la plante | Dressé, peu ramifié | Touffe imposante, feuilles en rosette basale |
Feuilles | Molles, ovales, très poilues | Longues, rugueuses, nervurées |
Fleurs | Bleues étoilées à 5 pétales soudés, pendantes | Tubulaires, pendantes, rose pâle ou violettes |
Saveur | Fleur : goût iodé (huître), feuille : concombre | Saveur herbacée, légèrement amère |
Période de floraison | Mai à septembre | Mai à juillet |
La consoude du Caucase (Symphytum caucasicum) a des fleurs d'un bleu très proche de celui des fleurs de bourrache, ce qui accentue la confusion.
La consoude de Russie (Symphytum x uplandicum), hybride vigoureux de culture, a des fleurs violacées proches de celles de la consoude officinale, mais dont la corolle formées de pétales soudés est plus allongée.
Bourrache : la comestible médicinale
🌿 Propriétés médicinales
La bourrache est utilisée traditionnellement comme diurétique, sudorifique, anti-inflammatoire et calmante de la toux. Elle contient des mucilages, des flavonoïdes (rutine), de l’allantoïne et de faibles quantités d’alcaloïdes pyrrolizidiniques, qui limitent néanmoins son usage prolongé par voie interne.
L’huile végétale extraite de ses graines est particulièrement riche en acide gamma-linolénique (GLA), un acide gras essentiel de la famille des oméga-6, reconnu pour son action anti-inflammatoire, hydratante et anti-âge (Luu, Les huiles de fleurs solarisées, Dangles). Elle est très utilisée en cosmétique, notamment pour les peaux sèches ou matures.
🌸 Usage externe
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Cataplasmes de feuilles fraîches : apaisants en cas de piqûres ou irritations cutanées.
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Huile végétale de graines : nourrissante et protectrice pour la peau.
Macérat huileux des fleurs contre les rougeurs, peaux irritées, inflammations articulaires.
🍽 Usages culinaires
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Fleurs : goût iodé rappelant l’huître, utilisées fraîches dans les salades, sur les fromages ou pour décorer les desserts.
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Feuilles : goût de concombre, consommées jeunes et finement hachées crues ou cuites.
🌿 Recette : Sauce verte de Francfort (Grüne Soße)
Recette allemande traditionnelle printanière, composée d’un mélange de plantes aromatiques fraîches dont la bourrache fait partie intégrante.
Ingrédients :
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1 bouquet de bourrache fraîche
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1 bouquet de ciboulette, persil, cerfeuil, pimprenelle, oseille et cresson
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250 g de yaourt nature ou fromage blanc
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1 jaune d'œuf dur
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1 c. à café de moutarde
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Sel, poivre, jus de citron
Préparation :
Mixer les herbes très finement avec les autres ingrédients. Servir avec des pommes de terre vapeur, des œufs durs ou du poisson froid.
Consoude : la médicinale du jardin
⚠️ Une toxicité à connaître
La consoude contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP) (notamment l'échimidine, la symphytine et la lycopsamine), connus pour leur hépatotoxicité, en particulier lorsqu’ils sont consommés en grandes quantités ou sur de longues périodes. Les racines en contiennent plus que les feuilles, les fleurs en conteniennent beaucoup moins. Ces substances peuvent entraîner des atteintes graves du foie, notamment une maladie veino-occlusive hépatique. C’est pourquoi l’usage interne de la consoude est aujourd’hui déconseillé, sauf prescription encadrée.
La consoude de Russie est encore plus riche en alcaloïdes, ce qui la rend plus toxique que la consoude officinale, d'où l'importance de bien la différencier de la bourrache.
Dans la bourrache, ces AP sont présents en très faible quantité, surtout dans les tiges et racines. Les feuilles et les fleurs en contiennent très peu et sont considérées comme peu toxiques en usage ponctuel.
🌿 Usages médicinaux (externe)
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Cataplasmes de feuilles fraîches ou décoction de racine : favorisent la cicatrisation des plaies, fractures, entorses (d'où son nom français "con-soude" = "qui soude" ou son surnom de « knitbone » en anglais).
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Macérats huileux ou pommades à la consoude : utiles pour les articulations douloureuses, les bleus ou les plaies anciennes.
🍴 Recette : Beignets de consoude
Surnommée parfois "sole végétale" en raison de la texture souple et résistante de ses feuilles, la consoude se prête à une consommation occasionnelle.
Ingrédients :
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Grandes feuilles de consoude jeunes
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Pâte à beignet légère (œuf, farine, bière ou eau gazeuse)
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Sel, huile pour friture
Préparation :
Laver les feuilles, les sécher. Les tremper dans la pâte, puis les frire dans une huile chaude jusqu’à dorure. Égoutter sur papier absorbant, servir avec un filet de citron.
🌱 Un trésor pour le jardin : le purin de consoude
La consoude est une plante bio-indicatrice des sols riches. Elle développe une racine pivotante profonde, qui remonte les minéraux et enrichit le compost. Son purin, riche en potassium, bore, allantoïne et oligoéléments, est un engrais naturel remarquable qui favorise la floraison et la fructification.
Recette du purin :
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1 kg de feuilles fraîches hachées
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10 L d’eau de pluie
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Fermentation à l’ombre 2 à 3 semaines, en brassant régulièrement
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Filtrer et diluer à 10 % pour arroser les plantes
Pour conclure
Ces deux plantes des campagnes et des jardins méritent notre attention... mais aussi notre discernement. La bourrache, avec sa grâce comestible, reste une alliée précieuse et relativement sûre. La consoude, quant à elle, doit être réservée à l’usage externe ou au jardin, où elle excelle comme engrais naturel et soin de la terre.
📚 Références bibliographiques
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Claudine Luu – Les huiles de fleurs solarisées, Éditions Dangles
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Dr Éric Lorrain – Grand Manuel de phytothérapie, Éditions Dunod
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Jean Valnet – La Phytothérapie, Livre de poche
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Michel Pierre – Secrets des plantes, Éditions Larousse
Tela botanica - https://www.tela-botanica.org/2017/08/article8229/
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